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Anne with an « E » : retrouver Anne Shirley à l’âge adulte

22 avril 2020

Bien que je ne sois plus une adolescente, j’ai aimé Anne with an E. J’ai trouvé que la série s’adressait à tous les âges, bien qu’elle s’adresse aux adolescents, pour peu qu’on fasse l’effort de se conditionner un peu à la regarder. Je connaissais Anne Shirley Cuthbert depuis mon enfance grâce aux téléfilms canadiens avec Megan Follows, Anne… la maison aux pignons verts  (Le Bonheur au bout du chemin en France), vaguement trouvables en DVD sur Amazon. Téléfilm qui date de 1985 et que j’avais vu dans les années 90. Un peu old school du coup. Il était temps que cette fabuleuse histoire profite des merveilleux scénaristes et équipes de tournages dont on dispose depuis quelques années.

J’étais plutôt ravie que Netflix produise une série sur Anne, et redonne un souffle moderne à mes souvenirs d’enfance. Car Anne m’avait beaucoup marquée. Elle fait partie des modèles qui m’ont inspiré, et elle est toujours présente quelque part. Aussi, l’Île du Prince Edouard méritait enfin des plans HD à couper le souffle.

Anne des Pignons Vert m’a touchée pendant mon enfance, et Anne with an E m’a également touchée en tant qu’adulte.

 

Pour ceux qui ne connaissent pas Anne of Green Gables

De son nom original, il s’agit à la base d’une œuvre littéraire de Lucy Maud Montgomery, datant de 1908. Considéré comme une histoire pour enfants pendant longtemps, parce que l’héroïne en est une au début de l’histoire, et parce que le sexe est absent, je trouve pourtant qu’on y trouve des thématiques subtiles et profondes.

Ces romans ont été édités en France par Hachette dans la collection « bibliothèque verte ». Aujourd’hui on les trouve facilement sur Amazon en français. Les couvertures sont horribles en passant 😀 , j’espère donner une autre vision de l’œuvre dans cet article.

Ce qui se cache derrière le titre enfantin de Anne of Green Gables est l’histoire d’une enfant abandonnée et maltraitée en orphelinat, qui va être recueillie par erreur par un couple de frère et soeur agés, les Cuthbert, qui ne se sont jamais mariés. « Par erreur » parce qu’à la base, ils souhaitaient « adopter » un garçon pour aider à la ferme des Pignons Verts (Green Gables), comme cela se faisait beaucoup à cette époque. Mais c’est Anne qui arrive chez eux, enchantée, avec son visage disgracieux et ses nattes rousses. Anne vit dans un imaginaire onirique et littéraire sans limite, qu’elle s’est construit pendant ses années à l’orphelinat. Les Cuthbert, et surtout Marilla Cuthbert, souhaite la faire retourner à l’orphelinat, mais, comme son timide frère, Matthew Cuthbert, elle va rapidement tomber sous le charme de cette enfant super-sensible, qui apportera à leur vie, la facette lumineuse qu’ils n’avaient jamais connue jusque là. À partir de ce moment, commencent les aventures d’Anne à Avonlea : l’école, où il est difficile de se trouver une place lorsqu’on a un physique atypique et qu’on est sans parents, les passions, les projets, les premiers amours, les combats sociaux, dans un environnement post-colonial ou la patriarchie règne encore en maître. Le destin d’Anne est grand, dans une époque où l’on souhaite que les femmes, et surtout les femmes de la campagne, soient petites.

Anne of Green Gables est un témoignage précieux de cette époque canadienne, de ses moeurs, de ces combats.

anne shirley cuthbert matthew marilla

Anne, Marilla et Matthew Cuthbert

 

Anne est pour moi intemporelle

Et pour bien des gens aussi, j’ai l’impression, puisque Netflix l’a dépoussiérée. Cela a été une piqûre de rappel pour moi, et j’ai pu renouer avec mon Anne intérieure. Car Anne, est un peu l’enfant que nous étions tous avant qu’on nous bride.

En première lecture, Anne of Green Gables est une aventure pour « jeune personne » et un plongeon dans le Canada du début du XXème siècle.

À un second niveau de lecture, on comprend qu’Anne est l’enfant qui est en chacun de nous. Celui qui ne demande qu’à s’épanouir, que l’environnement soit bon ou mauvais. Celui qui veut se réaliser et qui le fera, en gardant ses valeurs malgré les pressions conformistes sociales.

Puis enfin, dans la plus profonde interprétation, on se rend compte que l’histoire d’Anne évoque un concept très avant-gardiste encore aujourd’hui, celui de la pensée créatrice. Dans un environnement froid, vide et triste, Anne crée du merveilleux, en le désirant. Elle imagine si fort que du sublime finit par apparaître. Anne a un pouvoir de transformation des choses par l’imagination, que nous avons tous, mais que nous oublions en devenant adultes parce que cela été ridiculisé pour la plupart d’entre nous lorsque nous grandissions. Anne crée un monde émotionnellement et esthétiquement complet dans lequel elle a toujours rêvé de vivre, et y attire les autres, les transformant également. La vision du monde des autres personnages est également modifiée grâce à la vision d’Anne. Le plus beau étant l’influence d’Anne sur sa mère adoptive.

 



 

Anne with an E sur Netflix, une pause précieuse dans un monde qui va mal

Les aventures d’Anne Shirley reviennent sur Netflix au moment où le monde avait justement besoin d’une bouffée d’air frais, de romantisme vrai, celui qui se place dans la beauté des peupliers, plus que dans les relations amoureuses, celui qui se trouve dans notre façon de voir le monde dans les moments de solitude.

Romantisme… Anne Shirley en est sa complète définition ;  « une volonté d’explorer toutes les possibilités de l’art afin d’exprimer ses états d’âme : il est ainsi une réaction du sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l’évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le sublime, l’exotisme et le passé, l’idéal ou le cauchemar d’une sensibilité passionnée et mélancolique.  »

Lorsque je vivais à Paris, enfant, ces aventures sur l’île du Prince Edouard étaient comme un idéal inaccessible, et je pensais qu’un tel romantisme ne pouvait exister qu’à la campagne. Aujourd’hui, je vis à Wellington et cela n’est pas un hasard. À tout moment du jour ou de la nuit, je peux sortir de chez moi et être en 5 minutes entre les arbres natifs et la mer, à profiter du vent frais. Je suis venue à cet idéal que je recherchais depuis toujours.

Cet aspect, le féminisme de l’histoire ainsi que l’image léchée des plans, donne l’impression d’une série pour filles. Est-ce-que ce genre de considération existe encore ? Selon moi non, l’époque des voitures pour les garçons et les poupées pour les filles étant révolue.

 

La production Netflix est une réussite

Elle ne respecte pas vraiment « la vraie histoire » tirée du livre, ce qui généralement me gêne, mais fait tellement justice au personnage d’Anne dans toutes ses dimensions que c’en est vraiment appréciable. À vrai dire, je suis reconnaissante de voir un autre type de trame pour Anne.

La série est en HD, avec une photographie superbe, tournée sur l’Île du Prince Edouard, rendue célèbre grâce aux romans et à son village fictif d’Avonlea.

Sur 1 889 jeunes filles, c’est l’actrice Amybeth McNulty qui a été choisie pour interpréter le rôle d’Anne Shirley, « pour sa capacité à disposer d’un dialogue incroyablement épais, dynamique et beau », selon Miranda de Pencier (productrice), et on voit de quoi elle parle très rapidement. C’est un soulagement, à notre époque, de voir une actrice pareille, si jeune, tenir le rôle de cette façon, quand en 1985, Anne Shirley avait une frimousse trop mignonne pour le rôle, et les cheveux teints en roux.

Amybeth McNulty

 

Tout le casting a été savamment choisi, des physiques atypiques et justes, des jeux d’acteurs naturels et poussés. La production a même pris le parti d’intégrer à l’histoire le peuple indigène Mi’kmaq et la façon dont les colons les ont traité à cette époque, tabou que bien des séries se gardent bien d’aborder.

J’ai récemment regardé la 3ème saison, sans me douter, que ce serait la dernière. Et la meilleure. En effet, rien ne laissait présager qu’après ça ce serait fini. Sauf dans le dernier épisode, qui a été géré à la perfection comme un final, improvisé on dirait. Cela a été un nuage pendant mon confinement à Wellington, et a ajouté de précieuses facettes à l’introspection qui découlait de cette période.

Je suis, comme de nombreuses personnes, très déçue de savoir qu‘il n’y aura pas de saison 4 (en voici les tristes raisons). En effet, les aventures d’Anne with an E ne s’arrêtent pas là et il y avait encore beaucoup à raconter. Mais bon, voilà une œuvre en 27 épisodes qui aura eu beaucoup d’impact sur ma  psyché et qui se sera concentrée sur le passage à l’âge adulte d’Anne Shirley Cuthbert.

Et n’est-ce pas là la plus merveilleuse et étrange des périodes?

Pour l’instant, on peut trouver la saison 1 et 2 en coffret DVD, j’attendrai le coffret complet, car je pense que la série ne sera pas disponible éternellement sur Netflix.

Ah et en passant, regardez en VOST, c’est tellement mieux 🙂

 

 

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8 Comments

  • Reply Nathalie 26 mai 2020 at 7 h 49 min

    Bonjour, j’ai fini cette série hier! Évidemment, je me doutais de la fin avec ce dernier épisode mais j’espérais tant malgré tout que cela continue ! Première série, j’ai adoré !

  • Reply Rossier 25 août 2020 at 2 h 18 min

    Exellente serie pleine d une belle humanité.. c est un rêve biensur mais qui devient réell au moins le temp d un épisode et teinte un peu mes journée…c est inspirant ca habite l esprit…dommage l impasse sur le destin de la petite fille micmac …il y a si peux de recit qui rende justice au peuple premier d amérique et encore moins qui nous révéle ce qu a été leur culture qui malheureusement restera en partie misterieuse parce qu abusivement éffacée .Le peu de citation qui nous reste des sages qui inspirait ces peuples temoigne de la profondeur d une spiritualité au dela du temps

  • Reply Clinger DE ALMEIDA 13 novembre 2020 at 14 h 49 min

    J’ai connu cette série avec des amis américains, je savais qu’elle gardait quelque chose de si précieux. Je suis retourné à mon enfance. Chaque chapitre et saison, nous devenons accros. Anne des Pignons Verts m’a fait pleuré à chaque moment. C’était vraiment une inspiration. J’aurais aimé voir encore plus! Bravo à tous ceux qui ont participé de cette série enchantante.

  • Reply Pascale Fontaine 8 mai 2021 at 0 h 20 min

    je viens de terminer cette série j ai adoré cela est tellement ouvert à l âme humaine dans sa grande sagesse que représente Anne. Nous voudrions être Toutes des Anne. c est une personne extraordinaire et vraie. je regrette que nous ne puissions avoir la chance de regarder d autres saisons.,cela est bien dommage.

  • Reply LG 2 septembre 2021 at 19 h 48 min

    Bonsoir,

    Juste en passant, tu as une nouvelle édition de Monsieur Toussaint Louverture.

    Voici le lien

    https://monsieurtoussaintlouverture.com/produit/anne-de-green-gables/

    Très beaux livres et de belles couvertures 😉

    Voilà

  • Reply Les tristes raisons de l'arrêt de "Anne with an E" par Netflix - Carnets Blancs 25 septembre 2021 at 1 h 38 min

    […] expliqué ici, j’ai aimé Anne with an « E » , une jolie série, adaptation Netflix de Anne of Green […]

  • Reply La blessure des Mi’kmaq, peuple indigène du Canada - pourquoi l'annulation de "Anne with an E" nuit aux spectateurs indigènes - Carnets Blancs 25 septembre 2021 at 1 h 48 min

    […] série Anne with an E sur Netflix, que j’ai beaucoup appréciée pour le voyage introspectif qu’elle m’a offert,  m’a aussi fait découvrir le […]

  • Reply Guillaume Nimeskern 1 avril 2024 at 2 h 26 min

    Merci pour ces articles sur le sujet de AnnE ! 🙂
    On s’est régalés avec mon compagnon et comme toi, nous partageons la déception de l’absence d’une saison 4.
    Joyeuses Pâques, , nul doute qu’Anne a prévu quelque part une joyeuse chasse à l’œuf ! ✨

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