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Une histoire de Filofax

27 mai 2019
filofax cross red cherry

Filofax est une référence historique de ma vie personnelle et dans le monde de la papeterie haut de gamme. Le genre d’objet qui est chargé de nostalgie, de souvenirs. Filofax m’aura suivie dans toute ma vie de jeune fille et de femme, en s’imposant discrètement.

C’est uniquement maintenant que je m’en rends compte, lorsque j’ouvre un carton pour emménager dans un nouveau logement à l’étranger, et que je sors ces organiseurs chargés d’histoire, d’histoires, de témoignages, de vie…. Ce sont, sans conteste, les objets les plus parisiens que je possède (bien que la marque soit d’origine londonienne).

Vu tout ce qu’un Filofax peut contenir, je l’ai associé très tôt à un compagnon d’écriture et de pensée, à un gardien d’une vie et du temps, de ses obligations, idées, contacts… Bref, à un objet inestimable.

Le premier Filofax

Mon histoire avec Filofax a commencé au collège. Chaque école a ses petites modes, plus ou moins poussées, et chez nous, en matière d’agenda, c’était Filofax. Ce n’était pas une mode bête pour briller dans la cour et aux pauses, le Filofax s’imposait de lui-même car il correspondait parfaitement à nos besoins d’ados étudiants : il était rechargeable chaque année, donc durable, on trouvait des recharges agendas à 1 jour par page, des intercalaires pour les notes, to do list, carnets d’adresses (pas de mobile au début des années 90 !), et des petits rangements cachés partout.

Il était absolument socialement impératif d’avoir des feuillets vierges, pour que les amis y notent des petits mots ou y fassent des petits dessins, conneries ou pièces d’art, qui resteraient là des années.

Les Filofax se trouvaient dans la librairie papeterie Lamartine, rue de Longchamp à Paris, un lieu privilégié et classe comme on voit rarement aujourd’hui, plein de boiseries, d’odeurs de livres, où les lecteurs et amoureux de papier trouvaient leur bonheur avec une sélection de qualité haut de gamme. Les Filofax de la dernière collection étaient souvent présentés en vitrine, à côté de stylo dorés ou marbrés, et de « gommes galets » qui attisaient mes désirs de gratteuse de papier. Il y en avait de toutes sortes, et de très beaux et grands, en cuir, qui me semblaient, à l’époque, être faits pour les adultes très importants.

Je n’avais pas les moyens d’un très beau Filofax, et un jour après les cours, j’ai décidé d’en finir avec les vilains agenda noirs Exacompta, déprimants et impersonnels à souhait. Je suis allée m’acheter le plus en bas de la gamme avec l’argent que j’avais : dans les 50 francs, je ne m’en rappelle plus. Il était en tissu, taille « personal », d’un vilain bleu mais toute sa praticité y était.

Il allait m’accompagner durant tout le collège, le tissu allait être imbibé de tâches d’encre, et son intérieur serait bien trop rempli d’un peu de devoirs et de beaucoup de choses annexes. J’arrivais à peine à le fermer. Ce Filofax n’a pas fait long feu, 2 ans tout au plus.

J’ai ensuite upgradé un peu, en prenant une version cuir, avec une couleur plus sympa. Il s’agissait du modèle « Portobello« , en magenta, qui lui, vécu plusieurs années (très gothiques!), jusqu’en terminale. Il en a vu des histoires, des notes, des plans, des adresses, des numéros de téléphone, des listes, des secrets dans ses pochettes.

filofax portobello violet

J’avais cette manie aussi, un brin Asperger, de remplir des pages de lignes ou mots répétitifs. Sans le savoir, je préparais un beau style d’écriture pour le futur.

Dans le planning annuel, je dessinais pour chaque jour un smiley qui décrivait mon humeur. Il y avait le smiley souriant, l’indifférent, celui qui fait la gueule, le coeur, le pentacle…

Du collège à la terminale, le Filofax était toujours de rigueur. La volatilité de ses feuilles offraient une grande liberté, de recevoir, de donner, de déchirer sans abîmer. Cela faisait donc partie du quotidien qu’on réclame le Filofax d’un autre, pour plusieurs minutes (de préférence pendant un cours chiant), afin d’écrire un mot sur un feuillet jaune ou rose. Un catalogue témoin se formait donc vite au fil des années.

À force d’usure, de frottements dans le sac, et du manque de soin, le cuir s’est teinté et des décolorations apparurent aussi.

Ce site contient des scans et photos de toutes les gammes Filofax depuis 1937 : philofaxy.blogspot.com

Le Filofax Cross, rouge cerise

Année du Bac. Je ne me rappelle que du soleil et des arbres verts, tout cela avait un goût de renouveau. Nouvelle liberté, nouvelle vie, nouvelles aventures, nouvelles galères… J’étais fière, j’ai eu mon bac avec mention alors que ma vie perso était un bordel monstre. J’étais une des meilleures cette année là en maths, mais j’avais eu 6. Heureusement, un 19 en philosophie a rattrapé la donne. Ce 19, dans la liste de notes de 11 à 13, dont un 6, me rappelait que j’étais unique à ma façon, et que je pouvais réussir dans l’inattendu.

Ce mois-ci j’avais gagné un petit pactole en faisant du baby sitting, et je savais comment le dépenser. Lamartine était encore là, et je voulais un des plus beaux Filofax pour « entrer dans la vie » (ou du moins, ce genre de concept qu’on s’imagine après le bac, sans savoir ce qui nous attend…), pour me porter chance dans ma quête d’être moi aussi « une adulte importante ». Et j’ai acheté, pour 535 francs (une fortune à l’époque, juste avant l’apparition de l’euro), le Filofax de ce qui pour moi reste la plus belle collection que Filofax eut créée : « Cross« . Un cuir italien pleine fleur, au grain extrêmement lisse et brillant, couleur cerise, avec 2 coutures formant une croix sur la couverture.

filofax cross red cherry

Il semblait parfait pour pouvoir contenir les détails d’une future vie « importante »,  même si je ne savais pas trop comment en arriver là. J’étais fière d’entrer dans cette belle boutique et de ne pas aller au rayon cahier cette fois, non je ne descendais pas au sous-sol ce jour-là je restais à l’étage lumineux, plein d’objets sous-verre, et je demandais ce Filofax Cross cerise. J’étais là, toute en noire, avec la moitié de mes cheveux rouges, et en New Rocks, et quand j’y repense, cette image me plait, car c’était et c’est toujours moi : un paradoxe plein de pouvoir de réalisation.

Le Filofax m’a été tendu dans son petit coffret, digne de l’idée précieuse que je m’en faisais. Je le ramenai à la maison comme un trésor, où je me fis traiter de folle pour cette somme monstre dépensée pour un « agenda » et je m’en fichais : qu’avaient-ils compris de toute façon ?

Les années qui ont suivi ont été difficiles. Le temps que je me trouve, mon Filofax n’a pas eu la vie bien remplie que j’espérais pour lui. Il a, tout au plus, été rempli dans la partie agenda et notes à moi-même… Puis le numérique pris la place et le Filofax a sombré dans l’oubli à côté des deux autres sur une étagère.

Ils m’auront suivi dans tous les déménagements de ma vie, comme des obligés. Je les empaquetais sans me questionner. Ils ont survécu au tri Marie Kondo. Ils sont venus en Nouvelle-Zélande, ont été dépaquetés à l’arrivée, puis rangés. Puis dépaquetés au second déménagement, puis rangés. Puis encore dépaquetés au troisième. Mais cette fois, quelque chose avait changé, car en 2 ans en Nouvelle-Zélande, je me suis trouvée et retrouvée plus que jamais. J’ai laissé tomber les dernières chaînes de l’auto-sabotage, et j’ai commencé à m’épanouir plus que jamais. J’ai monté une entreprise qui marche, qui me ressemble, que les gens aiment, qui me passionne… J’ai également décidé de renouer avec le chant lyrique haut niveau que j’avais abandonné à mon arrivée ici.

Et avec ces deux aspects obligatoires à mon alchimie, je me sens 100% « importante » à moi-même. J’ai ressenti l’appel d’un nouveau compagnon, pour gérer mon business, mes plannings, et accueillir les nombreux calculs et notes que je griffonne constamment. Puis non seulement, rien ne me plaisait dans l’actuelle gamme (je n’ai même pas cherché à aller voir ailleurs, Filofax, c’est ce qu’il y a de mieux), mais en plus, je me suis rendu compte que le Filofax Cross m’attendait gentiment.

Poussiéreux, un peu déformé, avec quelques rides de cuir sur sa pliure. Plein de pages usées et quelques souvenirs, des cartes de visites, un CD-Rom (!) de Photoshop, des tickets de l’opéra Bastille pour le ballet Roméo & Juliette où j’avais ronqué comme jamais (ce n’est pas du tout mon style, mais… fond noir, Capulet en blanc, Montaigu en noir…. pitié…), des photos de moi où je me trouve mieux maintenant, des cartes de restaurants italiens, le poème d’une amie… et même une serviette hygiénique cachée dans la grande pochette internet, vintage !

filofax cross red cherry

Pour la vie

Ce Filofax Cross est le mien, toujours aussi beau et chargé de ce quelque chose des objets qui durent. Comme une personne avec une belle âme, ses traces de vieillesse ne le rendent que plus beau et significatif. Et puis finalement, c’est la toute première « belle chose » que je m’étais offerte de ma vie. Je vais le vider, et le remplir avec des recharges neuves, et lui donner la vie qu’il mérite : m’accompagner dans l’essor qui a mis si longtemps à venir.

Aujourd’hui, je tiens mon agenda dans Google Calendar et je ne saurais m’en passer. Ce qui est beau c’est qu’un Filofax peut servir à ce que l’on veut, on peut en faire un catalogue de cartes de visites si l’on souhaite, ou juste un carnet d’écriture.

Pour ma part, je garde toujours les infos très importantes sur papier, ainsi que mon carnet d’adresses personnel, les cartes de visites, mes idées de nouveaux produits, des chiffres à garder en tête et des tas d’autres choses qui sont bien plus facile à visualiser via un schéma griffonné que sur ordi.

Je vais ajouter un planning de l’année qui tient sur 1 page dépliable, pour reprendre le rituel de mettre une icône d’humeur à chaque journée. Cela permet vraiment de voir avec du recul ce qu’il se passe sur un mois, un trimestre, une année, et de faire des corrélations, ou tout simplement de se dire « merde, ça fait 10 jours que je ne vais pas bien, changeons ça! ». Sa couleur rouge me correspond plus que jamais.

Je vais faire un tri sur l’ancien contenu, certaines choses sont bonnes à garder, d’autres doivent être jetées, comme on largue les sacs d’une Montgolfière (la photo d’un lointain ex en costume et collants de Louis XVI merci bien… ), puis,  je vais transposer le reste dans un classeur d’archive Filofax, prévu pour ça. Les souvenirs seront donc préservés, intacts.

Et la nouvelle vie de ce vieux Filofax Cross va pouvoir enfin commencer pour de vrai, avec la propriétaire dont il rêvait. Je compte le garder toute ma vie, ce que je fais rarement avec un objet, et continuer de l’utiliser même s’il vieillit, comme une relique de mon histoire du temps.

Cela ne vaut pas le plaisir de l’achat en boutique, mais pour ceux qui sont loin de ce genre de magasins spécialisés, on trouve sur Amazon des nouveaux et anciens modèles neufs (que je trouve bien plus beaux que les récents…) genre « Saffiano » , avec des petites réducs sympa, et des tas d’accessoires et recharges.

Mais malheureusement, il n’y a plus d’aussi beaux modèles que par le passé. Sûrement une des nombreuses conséquences de la digitalisation.

Voici une petite sélection sympa qui est moins cher sur Amazon que sur le site officiel de Filofax, mais sur ce dernier, vous trouverez plus de choix, et des merveilles :

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